
Le moins que l’on puisse dire de Cecilya Mestres, c’est qu’elle est déterminée. À 3 ans, elle affichait déjà sa passion pour la musique et le chant. À 14 ans, elle se produisait régulièrement sur les scènes de son Espagne natale. À 23 ans, elle s’installe à Majorque, où elle parvient rapidement à vivre de sa musique et où elle a une révélation : le blues et le rock’n’roll des fifties. À 25 ans, sa participation à The Voice Espagne et de belles rencontres lui permettent de tourner en Argentine, Autriche, Allemagne. À 27 ans, elle décide de tout recommencer à zéro, s’installe à Paris, et crée son premier groupe avec lequel elle se produit dans les salles et festivals les plus importants.
Forte des critiques élogieuses reçues pour ses deux albums parus en 2020 et 2023 – fruits de sa collaboration étroite avec le guitariste français Rodolphe Dumont – elle sort, en avril 2025, son troisième album : Parisian Mambo.
Blues Actu Radio vous propose d’en savoir un peu plus sur cette tornade espagnole si vite adoptée par la France. Un conseil : ne ratez pas la « release party » de son troisième opus, le 17 mai au Triton à Paris !
Bonjour Cecilya, tu as découvert le rhythm’n blues, le rockn’roll des années 50 lorsque tu avais 23 ans. Que chantais-tu avant et quelles sont tes principales influences ?
J’ai grandi dans une maison où l’on pouvait écouter de Bob Dylan ou Tom Waits à Perez Prado ou Los Panchos et j’ai toujours eu un faible pour le rock et la country. Décidée à faire de ma passion mon métier, dans l’adolescence, j’ai chanté dans différents projets de reprises et de musique originale plutôt rock pendant que je commençais mes études de comédie musicale, où j’ai découvert le jazz… J’ai eu des influences très variées avant d’avoir mon coup de cœur pour le rhythm’n’blues et le rock’n’roll rétro.
A 25 ans, alors que tu avais déjà mené 2 groupes différents et effectué de nombreuses tournées, pourquoi as-tu décidé de participer à The Voice en Espagne et que retiens-tu de cette expérience ?
À l’époque je vivais de la musique aux Îles Baléares, qui est un territoire magnifique mais très petit. Les journalistes de The Voice m’ont contactée et j’ai accepté de participer au programme, car cela pouvait m’amener à sortir des îles en touchant un public plus large. Et c’est bien ce qui s’est passé. Grâce à ma participation au programme, je suis entrée en contact avec l’École de Blues de Buenos Aires et l’un de ses professeurs, le guitariste Nacho Ladisa, m’a organisé une tournée d’un mois en Argentine.
Qu’est-ce qui t’a poussée à venir vivre à Paris et y as-tu trouvé ce que tu cherchais ?
Pour moi, Paris c’était un rêve d’adolescence, mais j’avoue que je suis arrivée dans la ville par hasard.
Après ma tournée en Argentine, je voulais tenter ma chance dans une grande ville, car ce voyage m’avait montré que je pouvais toucher un public plus large qu’aux îles Baléares. J’ai donc décidé d’aller prendre la température là où j’avais plus envie d’aller, même si je n’y connaissais personne. Initialement, j’étais venue pour un mois, mais après trois semaines dans la ville j’avais mon premier concert et je ne suis jamais repartie. Paris m’avait accueillie les bras ouverts.
Tu as eu un groupe parisien qui s’appelait Los Hot Tamales, avec lequel tu as enregistré un EP de reprises en 2019, tu venais d’arriver à Paris. Il semble que tu te sois faite une place tout de suite dans la sphère musicale française.
Tout à fait. J’ai rencontré Francky Gumbo à mon arrivée à Paris et on a tout de suite commencé à travailler ensemble. L’année de mon arrivée, on a enregistré cette maquette avec Olivier Cantrelle (piano), Pascal Mucci (batterie) et Thibaut Chopin (contrebasse) et on a joué dans des salles et des festivals en France et en Suisse.

Comment avez-vous décidé de travailler ensemble avec Rodolphe et comment se passe votre processus créatif ?
On s’est rencontrés à peine une semaine après mon arrivée à Paris. Je suis allée au Caveau de la Huchette et Rodolphe menait la jam de blues avec d’autres musiciens. Je suis monté sur scène pour chanter une chanson avec eux et après cela s’est fait tout naturellement. Par contre, on n’a pas commencé à travailler ensemble avant le premier confinement, une année plus tard. Le processus créatif est très spontané, parfois je présente des textes ou des mélodies et Rodolphe crée la musique et les arrangements. D’autres fois c’est lui qui me propose une mélodie et des accords et j’écris les paroles. Dans tous les cas, on prend notre temps pour essayer plusieurs sonorités dans notre studio avant de présenter une chanson sur scène.
Cherry Blossom, le 1er album en 2021, pourtant déjà avec Rodolphe Dumont, était de style très différent des suivants. Des rythmes plus doux, americana, pop, folk, grande place faite au piano. Plus introspectif peut-être ? Pourquoi ce virage pour l’album qui a suivi, qui a décidé de votre évolution musicale ?
C’est plutôt Cherry Blossom le virage. Depuis 2015, sur scène je défends un répertoire blues et rock’n’roll plutôt énergique comme on peut l’entendre sur les 2 albums avec les Candy Kings. Mais ce premier album a été créé dans cette période sombre du Covid où je ne pouvais pas faire ce que j’aimais le plus : être sur scène. Je ne pouvais pas donner l’énergie et le dynamisme que je n’avais plus. Par contre, j’avais plein d’histoires qui trainaient dans des tiroirs depuis 2013 et plein de mélodies tristes qu’il fallait laisser s’envoler. On a donc commencé à travailler ensemble -à distance- avec Rodolphe.
Tu es née 40 ans après la musique qui t’inspire, celle des années 50. Ton look vestimentaire en est tiré aussi. Qu’est-ce qui te rattache à cette époque ? Est-ce l’esthétique des années 50 (les stars hollywoodiennes habillées par les grands couturiers mais aussi les pin-ups, les belles voitures…) qui t’a fait accrocher avec la musique de cette époque ou l’inverse ?
Je manque de mots pour expliquer ce que j’ai ressenti la première fois que j’ai écouté, à mes 23 ans, un vieux disque de Sun Records qu’un ami m’avait prêté. J’avais toujours chanté et cela faisait 9 ans que je montais régulièrement sur scène. Mais quand j’ai écouté cette compilation je me suis dit : c’est ça. Cela m’a prise aux tripes. Vous savez cette sensation que l’on a quand on rencontre quelqu’un et que l’on a l’impression de le connaitre depuis toujours ? J’ai eu cette sensation avec la musique que je venais de découvrir… C’était tellement fort… Et tout le côté esthétique est venu après, bien sûr.

Si la musique peut-être qualifiée de vintage, qu’en est-il des textes de tes chansons, de quoi parlent-ils ?
Dans mes textes je parle surtout de mes expériences de vie… De ma Barcelone natale (From Barcelona), mon île de Majorque (My own July), ma Méditerranée adorée (By the sea) et de Paris (Parisian mambo). D’histoires de guérison après des périodes de maltraitance (encore By the sea et Wild soul) ou de souffrance (Don’t leave me in the darkness, It’s not me, Streets of tears et Cherry Blossom). Des rencontres qui ont changé ma vie (Gimme one night, Angel, Tell me, Take me to the end of the world). De recommencer à zéro (Road to nowhere, Paris night has no stars, Find yourself),…
Je fais aussi une sorte de critique sociale sur Wild soul, qui parle des violences contre les femmes. Sur Travelin’ woman, je revendique la chance que l’on a d’être des femmes libres avec la possibilité de voyager et s’épanouir dans la vie professionnelle et sentimentale, car même si cela devrait être un droit pour nous toutes dans le monde, ce n’est malheureusement pas le cas. All the things I don’t need, c’est une satire qui parle de la superficialité et les attachements matériels.
J’ai fait mon hommage particulier et humoristique à la France avec Champagne et je raconte de contes de fées comme celui de l’artiste inconnue (Ruby) ou des histoires d’amour à la Bonnie & Clyde sur One way ticket to paradise.
Vos titres sont le plus souvent une invite à la danse …
J’adore voir les gens danser dans nos concerts, cela me rempli de joie, mais j’ai fait de la comédie musicale pendant quelques années et je crois que cela s’est arrêté là (il y a une bonne dizaine d’années) pour moi.
Comment s’est opéré le passage au label Dixiefrog et qu’est-ce que cela a changé pour vous ?
Le fait de passer de travailler avec un label espagnol (Meseta Records) à un label français a changé beaucoup de choses pour nous. Travailler avec un label mythique comme Dixiefrog nous a ouvert les portes à des nouvelles opportunités en France.
Cecilya en 2023 tu as été sacrée « Meilleure artiste féminine internationale de blues » par une radio anglaise. Est-ce important pour toi d’avoir ce type de reconnaissance et aurais-tu envie de participer aux différents challenges qui existent dans le milieu du blues ?
Cette reconnaissance est tombé du ciel et elle m’a surpris énormément. J’en suis ravie, car cela fait toujours du bien de savoir qu’il y a des gens qui apprécient mon travail. Par contre, c’est vrai que je ne me suis jamais senti attirée par les concours et, à ce jour, je crois que si je devais m’inscrire de mon propre gré quelque part, je ne le ferais pas.
Tu as eu 3 groupes avant The Candy Kings, avec lesquels tu as exploré différents styles. Ce dernier groupe n’est pas toujours composé des mêmes musiciens. Quel serait pour toi le combo idéal ?
Pendant ces 20 ans, j’ai partagé la scène avec des dizaines des musiciens et j’ai intégré énormément de projets… Mais je ne pourrais pas choisir une seule équipe. J’adore la liberté de pouvoir travailler avec différentes personnes, pouvoir apprendre de leur expérience et musicalité et pouvoir grandir en tant qu’artiste.
Comment s’est passé l’enregistrement de Parisian mambo, qui a choisi les musiciens et seront-ils de la tournée ?
Rodolphe et moi avons choisi les musiciens qui ont enregistré Parisian mambo. On avait hâte de retravailler avec Gordon Beadle (saxophone tenor et baryton) et Olivier Cantrelle (piano) qui ont déjà fait des merveilles sur nos albums précédents. Et puis, on voulait se donner la chance de travailler avec deux musiciens français que l’on admire mais qui n’habitent pas à la porte d’à côté, donc on n’a pas toujours la possibilité de jouer ensemble. Je parle effectivement Abdell B. Bop (contrebasse) et Denis Agenet (batterie). Pour les tournées, Rodolphe et moi on est toujours présents, mais l’équipe de musiciens change régulièrement.
La release party de Parisian Mambo a lieu le 17 mai 2025 au Triton à Paris. A quoi peut-on s’attendre, des invités surprises peut-être ?
Tout peut arriver…
Vous avez collaboré avec Sax Gordon, Marco Cinelli sur 1 chanson au moins. Y a-t-il d’autres artistes chanteurs ou musiciens avec lesquels vous rêveriez de travailler ?
On adore collaborer avec différents musiciens, c’est pour cela aussi que l’on change d’équipe souvent. Pour l’enregistrement de notre album précédent, Back in 1955, on a eu la chance de collaborer avec le pianiste espagnol Paul San Martín. En ce qui me concerne, j’adorerais travailler avec beaucoup d’artistes que j’admire, mais s’il faut choisir des collaborations réalistes, je dirais le contrebassiste et producteur américain Jimmy Sutton ou le chanteur Les Greene. Si je peux rêver… Norah Jones, Chris Stapleton ou Marcus King.
Crédits photos : Paulo Duarte et Aleksandra Skobeleva.
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